Philosophie du Droit: Théorie, Sciences juridiques
Théorie et Philosophie du Droit
Adam Sulikowski
Université de Wroclaw
Théorie et Philosophie du Droit
Les notions: philosophie du droit, „théorie du droit”, „sciences juridiques”
La philosophie du droit est éternelle, mais comme une branche de la philosophie génerale
Qu’est-ce que la philosophie?
La définition classique (platonique):
- Le terme est composé des mots « ami, amateur » (philos) et « sagesse, savoir » (sophía), la « philosophie » signifiant ainsi : « amour de la sagesse » ou « amour du savoir ». La philosophie est à plusieurs reprises définie par Platon comme étant en opposition avec les désirs « humains » : philo-hèdonos (amour du plaisir), philo-sómatos (amour du corps), ou philo-nikos (amour de la victoire). Pour lui, elle s’exerce plutôt dans la partie « plus qu’humaine » des êtres humains, c’est-à-dire dans une pratique purement intellectuelle, et elle est synonyme de φιλομαθια (philomathia) : « amour de la connaissance » En conséquence la philosophie est la mode de vie. On ne peut pas séparer la philosophie et la science.
La définition moderne: La philosophie et la science existent séparement
- À la différence des sciences naturelles, des sciences formelles et des sciences humaines, auxquelles elle est intimement liée par son histoire, la philosophie ne se donne pas un objet d’étude particulier et unique.
- D’une part la philosophie ne recourt pas à la méthode expérimentale. La philosophie, en effet, à la différence de la physique, de la chimie ou de la biologie, n’a jamais vraiment intégré le processus d’expérimentation dans son outillage heuristique. Ceci est évident pour la philosophie antique et médiévale qui ne connaissait pas l’expérimentation. Même les grands philosophes qui se sont illustrés comme scientifiques (Descartes, Pascal, Leibniz pour ne citer qu’eux) ont toujours distingué leur travail dans le domaine scientifique et dans le domaine philosophique. Certains philosophes comme Kant ou Wittgenstein ont même vu dans l’absence d’expérimentation en philosophie une caractéristique épistémologique essentielle de cette discipline et ont refusé toute confusion avec les sciences expérimentales.
- D’autre part la philosophie n’est pas, par essence, une science reposant sur l’observation empirique à la différence de la sociologie ou des sciences politiques par exemple. Il ne faut naturellement pas croire que la philosophie peut ignorer les données empiriques les plus évidentes. Mais traditionnellement la philosophie ne veut pas se limiter à un simple catalogue de faits et entreprend pour cela un vrai travail de théorisation voire de spéculation. Ainsi, par exemple, même si un Aristote a recueilli les constitutions des cités grecques de l’époque, il a voulu dans La Politique et dans l’Éthique à Nicomaque analyser les structures de la cité d’un point de vue théorique.
- Enfin, la philosophie, à la différence des mathématiques ou de la logique formelle, ne s’est jamais décidée à travailler uniquement au moyen de symboles formels, bien que Leibniz ait pu rêver résoudre les problèmes philosophiques au moyen d’un calcul logique universel. Et si la philosophie analytique contemporaine est impensable sans la logique mathématique, elle utilise encore massivement le langage naturel.
Les examples des définitions:
Le mot “philosophie” signifie “amour de la sagesse”, mais ce que les philosophes aiment par-dessus tout c’est de raisonner. Ils élaborent des théories et invoquent des raisons au support de celles-ci, ils prennent acte des objections et essaient de les parer, ils construisent des arguments à l’encontre de théories opposées… Même les philosophes qui affirment les limites de la raison mettent de l’avant des raisons au support de leurs propositions et notent les difficultés des propositions adverses.
Robert Nozick
La philosophie se distingue des sciences et des mathématiques. En contraste avec les sciences elle ne se fonde pas sur des expériences ou sur l’observation, mais seulement sur la réflexion. Et contrairement aux mathématiques, aucune méthode formelle de démonstration ne lui est associée. On la pratique simplement en posant des questions, en argumentant, en essayant des idées et en songeant à des contre-arguments possibles qui viendraient les réfuter, et en se demandant comment nos concepts fonctionnent vraiment.
Thomas Nagel
Je conçois la philosophie non pas comme étant une prélude à la science, mais plutôt comme formant un tout continu avec elle. Je vois la philosophie et la science comme étant dans le même bateau – un bateau qui ne peut être remodelé qu’au beau milieu de l’océan pendant qu’il doit y demeurer à flots. Il n’existe pas de point de vue externe privilégié, pas de ‘première philosophie’. Toutes les découvertes scientifiques, toutes les conjectures scientifiques qui sont actuellement plausibles sont ainsi à mon avis les bienvenues pour être utilisées en philosophie comme ailleurs.
Willard Van Orman Quine
- ET MOINS SERIEUSEMENT:
Philosophie: Une tentative malhabile d’aborder des questions qui viennent naturellement aux enfants, par des méthodes qui viennent naturellement aux avocats.
David Hills
La philosophie constitue le remède pour lequel il n’y a pas de maladie adéquate.
Jerry Fodor
Un philosophe est une personne aveugle, dans une pièce noire, qui cherche un chat noir, qui n’est pas là.
William James
Les Domaines de philosophie
- Ontologie/Métaphysique (questions sur la réalité, ce qui existe ex. l’existence de Dieu, de la nature)
- Logique: règles du bon raisonnement
- Épistémologie/Théorie de la connaissance (questions sur la nature et les fondements de la connaissance)
- Philosophie morale/Éthique: quels comportements sont bons/mauvais, permis/obligatoires; nature et fondements du bien et du mal; existence d’une éthique/moralité universelle, objective? Ou est-ce que tout est relatif?
- La philosophie du droit s’occupe à l’Ontologie, et l’ Épistémologie du droit. Elle étude aussi les règles du raisonnement juridique et les relations entre le droit et l’éthique/ la moralité
- Elle pose les (et essaye de trouver les réponses aux) questions suivantes:
- Qu’est-ce que le droit ?
- Quel est le rapport entre droit et justice ?
- Comment naissent (sont produites) les normes de droit ?
- Quel est le fondement de la validité (de son caractère normatif) du droit?
- Quel est le rapport entre morale et droit (et notamment le débat sur les droits de l’homme et le rôle des valeurs éthiques par rapport au droit positif, c’est-à-dire aux lois existantes) ?
La théorie du droit
- La théorie – la notion fonctionnante depuis l’Antiquité – le mot grec theoria dessigne le savoir de la nature qui peut être acquis par la deduction et l’ expérimentation en opposition à praxis (savoir de vivre) et techne (savoir de faire q.ch)
- La théorie du droit – la notion liée avec le scientisme
- Le mot scientisme a été employé pour la première fois par le biologiste Félix Le Dantec qui lança ce mot dans un article paru en 1911 dans la Grande Revue :
- « Je crois à l’avenir de la Science : je crois que la Science et la Science seule résoudra toutes les questions qui ont un sens ; je crois qu’elle pénétrera jusqu’aux arcanes de notre vie sentimentale et qu’elle m’expliquera même l’origine et la structure du mysticisme héréditaire anti-scientifique qui cohabite chez moi avec le scientisme le plus absolu. Mais je suis convaincu aussi que les hommes se posent bien des questions qui ne signifient rien. Ces questions, la Science montrera leur absurdité en n’y répondant pas, ce qui prouvera qu’elles ne comportent pas de réponse »1.
- Mais le scientisme plonge ses racines dans des philosophies bien antérieures, dans lesquelles on trouvera :
- au XVIIe siècle, le rationalisme de Descartes, qui voyait déjà dans la science une source universelle du savoir,
- au XVIIIe siècle, les idées de Condorcet sur les sciences positives,
- au XIXe siècle, l’idéologie saint-simonienne, qui prônait la réorganisation scientifique de la société, ainsi que le positivisme d’Auguste Comte.
- Le scientisme renvoie à trois idées :
- la science remplacera la philosophie comme la métaphysique dans la recherche de solutions aux grands problèmes éthiques ou moraux,
- la science porterait en elle toutes les solutions aux souffrances de l’humanité,
- les méthodes des sciences exactes seraient les seules vraies méthodes scientifiques, et qu’il conviendrait de les appliquer y compris aux sciences humaines et sociales.
D’aprés les scientistes la théorie appartient à la science, c’est à dire elle est coherente, sure, et fondé sur la base scientifique (l’expériment ou la deduction) en opposition à la philosophie qui est toujours speculative.
La théorie du droit est donc le produit des sciences juridiques.
La théorie du droit peut est lié avec le positivisme juridique (inspiré profondement par le scientisme), qui essaie de fonder une véritable « science du droit » (fondement d’une théorie juridique et objective du droit), se voulant descriptive et non prescriptive (principe de neutralité axiologique). Elle se contente de dire, d’expliquer, d’exposer le droit tel qu’il est, et non de critiquer le droit existant au nom de valeurs éthiques ou d’opinions politiques subjectives. Selon le positivisme, les critiques sur le droit, et ce qu’il doit être, émanent de la position subjective des acteurs du droit et des politiques et non d’une question de vérité. En ce sens, le droit est bien normatif, repose bien sur une norme fondamentale, mais le savant n’a pas à faire siennes les normes qu’il étudie
- Kant dans ses “Principes métaphysiques de la doctrine du droit“, établit une distinction que suivra plus tard Hegel
- On peut se poser deux sortes de questions au sujet du droit:
- quid juris? p.ex. quelle est dans tel ou tel procès la solution de droit? quelle règle, quelle loi s’applique dans ce cas précis? Qu’est-ce qui est de droit?
- quid jus? p.ex. qu’est-ce que le droit?
- Selon Kant, c’est la science juridique qui permet de répondre à la première question. On se demande quelle loi s’applique. La seconde relève de la philosophie. Que signifie le terme droit, comment le définir, qu’est la justice, l’idée de droit, etc. Cette distinction est d’autant plus utile que le terme droit est employé dans plusieurs acceptions
Le “corps” des sciences juridiques se compose de:
- La théorie du droit
- Les sciences juridiques speciales (p.ex. la science du droit pénal, civil, constitutionnel etc.) qui:
- étudent,
- interprétent,
- expliquent,
- systématisent,
- rationalisent,
- le droit existant
- À l’aide de la méthode scientifique speciale (appellée la m. formelle – dogmatique)
- sans le critiquer du point de vue de la pensée externe (p. ex. éthique ou politique)
- Les sciences historiques qui étudent le passé du droit et de la pensée juridique
L’opposition naturalisme/anti-naturalisme est née dans la domaine des science humaines et sociales sous l’influence du scientisme moderne avec son culte de l’expérimentation et dogme, que le méthodes appliquées par les sciences sociales sont seules méthodes vraiment scientifiques
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